Annette Chamblay (de son vrai nom) est née à Paris le 11 novembre 1861 dans un milieu modeste. Sa mère, Claire est couturière et elle a 23 ans lorsque l'enfant naît. L'enfant ne sera légitimé qu'en 1888 par un certain François Merguillier (parfois orthographié Merguilé). C'est ce nom que choisira Annette pour faire une carrière artistique. C'est très jeune qu'elle eut la vocation.
Très douée naturellement, la jeune fille fut présentée à la célèbre cantatrice Christine Nilsson (1843-1921). La grande rival de La Patti, ayant entendue Annette déjà si bouleversante, vit en elle une future interprète.
Madame Nilsson la prendra sous sa coupe et lui permit de rentrer à 17 ans au Conservatoire avec l'assurance d'avoir de bons professeurs : MM. Archaimbaud et Mocker.
En 1879, Cécile Merguillier obtient un premier prix de chant et un accessit d'opéra-comique avec le Caïd. Elle décide de compléter ses études un an de plus pour remporter le premier prix d'opéra-comique. Hélas après avoir chantée la valse si difficile du Pardon de Ploërmel elle ne remporta que le second ! Les journalistes de l'époque racontent que le jury fut très sévère avec elle, car ils ne crurent pas en cette chanteuse "prématuréé" alors qu'elle avait si bien chanté cet air virtuose.
Sûr que la jeune recrue fera son succès, M. Carvalho, directeur de l'Opéra-Comique, l'engagea aussitôt. C'est dans le rôle de Coraline du Toréador que Cécile débuta le 28 décembre 1881. Cette rare partition d'Adolphe Adam porta bonheur à la jeune femme âgée seulement de 20 ans. Ce fut un véritable triomphe rapporte un journaliste : "Elle vocalise avec une pureté, un goût, une finesse adorables qui lui valent un des plus grands succès de débutante auxquels nous n'ayons jamais assisté".
Elle restera dans cette salle jusqu'en 1888, y assurant toutes les reprises : Les diamants, Mignon, Le Barbier de Séville, Le Pré aux Clercs, Haydée, Galathée, la Flûte enchantée, Madame Turlupin.
Elle se produira peu hors de l'Opéra-Comique ; on notera qu'elle fit quelques tournées en Province, notamment à Cannes et sera engagée en Belgique au Théâtre de la Monnaie (1888-1889) ; à celui d'Anvers (1900-1901) ; et au Grand-Théâtre de Moscou (1895). Cependant elle reparaîtra à salle Favart quelques saisons mais cette fois comme artiste "invitée" et non engagée dans la troupe (1891, 1892, 1897 et 1898). Elle fit une apparition à Garnier en 1892 pour un concert exceptionnel. Elle chanta également pour des oeuvres de bienfaisance notamment en 1902, dont les bénéfices du concert allaient aux Artistes retraités de l'Opéra-Comique.
C'est finalement sur le tard, à l'âge de 42 ans que Cécile Merguillier consentira à enregistrer des cylindres, d'abord pour Pathé-Frères en 1903 et pour Edison en 1905. Il faut noter ici l'exceptionnelle qualité des enregistrements Edison dont la publicité vantait "moulés sur or". Le son est chaleureux et la voix cristalline de Cécile Merguillier sort merveilleusement bien restituée, chose rare à l'époque en ces débuts de l'enregistrement pour les voix de femme qui souvent passaient mal.
Artiste trop discrète dans les médias, nous ne savons rien de sa vie intime. Bien que dotée d'un physique ingrat (elle louchait), elle fut une immense cantatrice et elle ouvrit la porte aux générations futures des Lily Pons ou des Tétrazini - souvent ridiculisées par la suite.
Son étonnante virtuosité vocale la rendit célèbre en Europe et popularisa des airs devenus aujourd'hui connus du grand public. Elle fréquenta les plus grands artistes qui firent la joie des théâtres français : Soulacroix, Morlet, Fugère, Melchissédec etc.
Cécile Merguillier décèda à Paris en décembre 1938.
Sources :
Revues "La Musique Populaire" et "La musique des familles" (N°276 - jeudi 27.1.1887) numéros de 1879 à 1890 prêtées par Serge Escalaïs ;
Catalogue des cylindres Edison de 1906 ;
Acte généalogique de naissance retrouvé par Hervé David ;
Vertical-cut of Girard & Barnes, London 1954.
Remerciements :
Serge Escalaïs et Hervé David.