Charles LE BARGY ( et évocation de Madame Simone)

Comédien de Théâtre, Acteur de Cinéma et réalisateur.

Le Bargy dans le Marquis de Priola (L'Art du Théâtre N°18 - Juin 1902 (coll. de l'auteur)
Le Bargy dans le Marquis de Priola (L'Art du Théâtre N°18 - Juin 1902 (coll. de l'auteur)

Charles Gustave Antoine Le Bargy est né à Paris dans le quartier de la Chapelle le 28 août 1858 dans une famille bourgeoise. Il quitta Paris à l'âge de 8 ans pour suivre son père à Amiens. Celui-ci, ingénieur au chemin de fer du Nord, habitait la Picardie pour raisons de travail. C'est au Collège d'Amiens que commençèrent les études de Charles. Il était déjà fasciné par la littérature. A 17 ans, il fonda un journal qui s'appelait "Vert-Vert". Il reçut des lettres de Legouvé et Sarcey. Vers 1877-78, c'est par un concours que Charles Le Bargy donna des vers de Gresset en public. Il obtint un Prix de l'Académie d'Amiens. Finalement il continua à dire des vers dans divers salons et on lui lança "Ah ! Monsieur vous feriez un excellent comédien !". Il se prit de passion et alla écouter un soir les Sociétaires de la Comédie-Française qui passèrent en représentation à Amiens. Il vit alors Coquelin, Delaunay, Reichenberg ... ce fut le coup de foudre ! Il se lia d'amitiés avec les artistes.

 

Entre temps, il commençait à étudier le droit pour devenir avocat. Mais un soir, l'appel des planches fut plus fort que tout et il en parla à son père. Evidemment ce n'était pas la vie rêvée de son père.

 

Il rentra au Conservatoire de Paris dans la classe du célèbre Got avec Leloir et De Féraudy comme camarades. Il remporte en 1879, un 1er accessit de tragédie en interprètant une scène de Néron dans Britannicus et un 1er Prix de Comédie dans un extrait de On ne badine pas avec l'amour (rôle de Perdican).

 

Il débute à la Comédie-Française le 27 novembre 1880 dans le rôle de Clitandre des Femmes savantes. Dès les premiers pas du jeune homme, il se fait remarquer par sa distinction et l'art de mettre en valeur les répliques de manière mordante.

Le Bargy dans le rôle de Christian VII de Struensée (extrait de la revue Le Théâtre N°18 - 1899 (collection de l'auteur)
Le Bargy dans le rôle de Christian VII de Struensée (extrait de la revue Le Théâtre N°18 - 1899 (collection de l'auteur)

Charles Le Bargy créa de nombreux rôles à la Comédie Française, dont il deviendra un sociétaire incontournable en 1887 :

 

Scapin (1886) ; Raymonde (1887) ; Pépa (1888) ; Premier baiser (1889) ; Margot (1890) ; Une famille (1890) ; L'ami de la maison (1891) ; La paix du ménage (1893) ; L'amour brode (1893) ; Cabotins (1894) ; Les romanesques (1894) ; Vers la joie (1894) ; Les tenailles de Paul Hervieu (28.9.1895 avec Marthe Brandès) ; Le fils de l'Aretin (1895) ; Grosse fortune (1896) ; La loi de l'homme de Paul Hervieu (15.2.1897 avec J. Bartet et Louis Leloir) ; Catherine (1898) ; Struensée de Paul Meurice (1898 avec Albert Lambert fils, Leloir, G. Berr, Wanda de Boncza, de Féraudy, Falconnier etc, le Bargy dans le rôle de Christian VII) ; le Torrent (1900) ; Les fossiles (1900) ; L'enigme de Paul Hervieu (15.11.1901 avec E. Silvain, P. Mounet, Ravet, Mayer, Laty, M. Brandès et J. Bartet) ; Marquis de Priolat de Henri Lavedan (1902) ; Le dédale de Paul Hervieu (19.12.1903 avec J. Bartet, A. Brunot, Delaunay, Leconte, Mayer, Du Minil, P. Mounet, B. Pierson, C. Siblot) ; Le duel d'Henri Lavedan (juin 1905 - rôle de l'Abbé Daniel avec J. Bartet, Paul Mounet, R. Duflos) ; Les deux hommes d'Alfred Capus (20.1.1908 avec M. De Féraudy, J. Bartet, Ravet, Lafon, Pierson, Cécile Sorel, Le Bargy dans le rôle de Marcel Delonge).

LE DUEL (acte 1). A gauche Raphaël Duflos (Docteur Morey) et à droite Le Bargy (Abbé Daniel). Photographie extraite de Le Théâtre N°155 de juin 1905 (coll. de l'auteur)
LE DUEL (acte 1). A gauche Raphaël Duflos (Docteur Morey) et à droite Le Bargy (Abbé Daniel). Photographie extraite de Le Théâtre N°155 de juin 1905 (coll. de l'auteur)

Il jouera également tout le répertoire classique (Perdican, Charles-Quint, Hernani, Le gendre de M. Poirier, Jean Baudry, L'étrangère, Montjoie, Les cabotins, La parisienne, Connais-toi, Après-moi etc). Il participera aux reprises de L'ami des femmes (rôle de Simerose) ; Patrie de Victorien Sardou (rôle de la Trémoille, en mai 1901 avec M. Brandès, Mounet-Sully, Leitner, P. Mounet, A. Lambert fils, P. Laugier et Falconnier) ; Marion de Lorme drame en vers de Victor Hugo (1907, rôle de Saverny, avec J. Bartet, Ravet, Mounet-Sully, P. Mounet, G. Berr, Leloir, etc).

 

A cette époque, Le Bargy est professeur au Conservatoire de Paris et comptera parmi ses élèves Denis D'Inès (1885-1968).

Le Bargy dans le rôle de la Trémoille de PATRIE (Le Théâtre - Mai 1901 - N°58) (collection de l'auteur)
Le Bargy dans le rôle de la Trémoille de PATRIE (Le Théâtre - Mai 1901 - N°58) (collection de l'auteur)

Attiré par le Cinématographe et le film d'Art, il s'associe avec l'acteur André Calmettes pour réaliser ses 3 seuls films. Le plus célèbre étant L'Assassinat du Duc de Guise sorti dans les salles obscurts en 1908. Charles Le Bargy y est co-réalisateur et acteur (rôle d'Henri III), parmi une belle brochette d'artistes : Albert Lambert, Berthe Bovy, Gabrielle Robinne, Huguette Duflos etc.

 

Le scénario était écrit par Henri Lavedan et Camille Saint-Saêns, fait extrêmement rare pour ce maître, avait écrit la musique d'accompagnement du film. Puisque à cette époque les films muets étaient projetés à l'écran et dans le même temps l'orchestre ou le pianiste de la salle interprètait l'accompagnement. La musique du maître, la première de ce genre fut saluée par le monde musical comme "un chef d'oeuvre de la musique symphonique".

L'assassinat du Duc de Guise apporta au cinéma une sorte de révolution. Voici ce qu'écrivit Victorin Jasset, journaliste en 1911 : "Toutes les rêgles que l'on avaient observées jusque là étaient vaines. Des artistes jouaient sans courir, restaient immobiles et l'intensité grandissante de l'effet fut obtenue. Si l'on y relevait des fautes de métier compréhensibles [...], Le Bargy avait composé son personnage avec un luxe de détails qui était une révélation. Un novice apportait des principes nouveaux, et sa méthode était la plus juste. Sauf quelques rêgles techniques, rien ne restait plus de l'ancienne école, c'était la débacle des vieux principes. L'influence presque nulle au début, fut énorme comme conséquence. Elle ouvrit les yeux à l'école américaine. "  

Dans son livre "Dictionnaire des Films" (publié chez Microcosme en 1981), Georges Sadoul conclue : Le succès du Duc de Guise détermina l'essor du film d'art aux états unis et dans toute l'Europe, surtout en Italie. Ce film, jadis injustement décrié (dans les années 30), est une oeuvre clef". 

 

L'année suivante en 1909, sort sur l'écran deux nouvelles réalisations de Calmettes-Le Bargy : Le retour d'Ulysse (avec Paul Mounet, Albert Lambert et J. Bartet) et la Tosca (Le Bargy dans Scarpia et Cécile Sorel dans Tosca). Malgré l'excellente distribution, leur succès fut moins important.

Partagé entre le désir de faire du Cinéma et de découvrir de nouveaux horizons, c'est-à-dire jouer d'autres choses que des rôles classiques, et surtout conscient d'une Comédie-Française vieillissante et peu ouverte d'esprit, il finit par quitter cette salle en 1910. Laquelle lui intentat un procès. Cette même année, il tourna un film de André Calmettes La légende de la Sainte Chapelle. Peut-être la Comédie-Française voyait d'un mauvais oeil le fait que les Acteurs de théâtre ne devaient pas se "salir" en jouant dans cet art nouveau qu'était le cinématographe et qui de plus était muet ? ....

 

 

Rôle de Cyrano qu'il interprète le 15 mars 1913 sur les planches de la Porte Saint-Martin (extrait de la revue Le Théâtre juin 1913 - N°347) (collection de l'auteur)
Rôle de Cyrano qu'il interprète le 15 mars 1913 sur les planches de la Porte Saint-Martin (extrait de la revue Le Théâtre juin 1913 - N°347) (collection de l'auteur)

Charles Le Bargy réussit un coup d'éclat lorsqu'on lui confia la reprise de Cyrano de Bergerac. Biensur, il était impossible d'arriver à égaler et à faire oublier celui qui fut son créateur, Coquelin-Aîné, qui l'avait interprété d'une façon incomparable mais il a été autrement. Dans Le Théâtre de juin 1913, Adolphe Aderer écrivit : "On l'attendait pour ainsi dire, au coin de ce rôle magistral ; on le guettait. Ce fut une nouvelle révélation du héros : moins fou peut-être, moins grisé de sa verve et de sa faconde, mais d'une vérité plus humaine et plus pénétrante, en un mot un être réel et vivant dont la mélancolie nous émeut et la souffrance nous étreint".

Au théâtre il créa encore Le destin est maître de Paul Hervieu à la Porte Saint-Martin le 9 avril 1914 avec Roussell, Calmettes, R. Rocher, J. Kemm, M. Brandès et A. Pascal. La Grande Guerre l'éloigna de la scène et des écrans comme de nombreux artistes, qui parfois ne firent plus surfaces après l'armistice.

 

A la fin de la Guerre, il tourne Il Colonnello Chabert en Italie sous la direction de Carmine Gallone (d'après le roman de Balzac), film qui sortira sur les écrans en 1920. L'année suivante, il tourne L'appel du sang de Louis Mercanton.

 

C'est seulement en 1921, qu'il revint sur le devant de la scène avec son oeuvre Une danseuse est morte qu'il jouera aux Galeries St-Hubert, et à nouveau en 1922 sur la scène de l'Odéon. La même année il joue Le Chevalier Colomb de François Porché, sur la scène de la Comédie-Française !

 

Puis, il tourne encore deux films Madame Récamier de Tony Lekain et Gaston Ravel avec Jean Debucourt (1928) et Le Rêve de Jacques de Baroncelli (1931) (rôle de M. de Hautecoeur).

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Charles Le Bargy décéda à Nice dans sa villa "Le Lys rouge" du Cimiez le 5 février 1936 où il avait décidé de se retirer (note 1), ne laissant pas de véritable descendance (note 2).

 

 

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Note 1 : Les obsèques religieuses eurent lieu à Cimiez et le corps fut rapatrié à Paris. L'inhumation eut lieu le 11 février à 10h 30 au cimetière de Montparnasse. Devant la sépulture provisoire, la comédienne Mary Marquet a dit le "Recueillement" de Charles Baudelaire, d'après le journal "Ouest-France" du 12.2.1936.

Note 2 : Cependant selon certains biographes, l'acteur et metteur en scène Jean Debucourt (né à Paris 19.1.1894 - Montrouge 22.3.1958) serait son fils caché et non reconnu du célèbre acteur, né d'une liaison adultère à l'époque où il était marié à l'actrice Mme Simone.

 

 

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Biographie succinte de Madame Simone LE BARGY - actrice et femme de lettres.

Simone Le Bargy dans le rôle de Marie Louise Voysin de Le voleur, pièce qu'elle créa au Théâtre de la Renaissance en 1907 (extrait de Le Théâtre - janvier 1907 - N°194)
Simone Le Bargy dans le rôle de Marie Louise Voysin de Le voleur, pièce qu'elle créa au Théâtre de la Renaissance en 1907 (extrait de Le Théâtre - janvier 1907 - N°194)

Le Bargy avait épousé en 1898 à l'église Saint-Philippe du Roule une jeune actrice. La grande différence d'âge fera que le mariage ne durera pas et ils divorcèrent en 1909.

 

Madame Simone de son vrai nom Pauline Benda, était née à Paris le 3 avril 1877. Elle embrassa une jolie carrière d'actrice, sans doute, protégée par son mari qui l'avait fait débuté en 1901 sous le pseudonyme de Madame Simone.

 

 Après des études secondaires au Lycée Racine, Pauline s'inscrit à la Sorbonne et suit parallèlement des cours de diction avec Charles Le Bargy. Elle a vingt ans lorsqu'elle épouse son professeur, de dix-neuf son aîné. En 1901, Charles Le Bargy la fait débuter au théâtre sous le pseudonyme de Madame Simone. Elle succède alors à Sarah Bernhardt dans le rôle de l'Aiglon dans la pièce d'Edmond Rostand. 10 ans plus tard, elle créa le rôle de la Faisane dans Chanteclerc du même auteur.

 

Après le divorce d'avec Le Bargy, elle se remarie avec Claude Casimir-Périer. Mais c'est avec son secrétaire, Henri Alain-Fournier, l'auteur du Grand Meaulnes qu'elle noua une idylle passionnée. Leur relation prendra fin avec la Grande Guerre car le lieutenant Fournier est tué sur le front en septembre 1914. A noter que Simone lèguera à la Bibliothèque nationale la correspondance qu'elle échangea avec lui, à la condition qu'elle ne soit publiée qu'après sa mort ce qui sera fait en 1992.


Son ami d'enfance, François Porché, l'aide à surmonter son chagrin. Elle l'épouse en troisièmes noces en 1923. Poète et auteur dramatique, il écrit pour elle de nombreuses pièces qu'elle interprète avec succès.

 

Après avoir jouée avec les plus grands, comme Lucien Guitry, Albert Brasseur, Maurice De Féraudy entre autres et après avoir créée de nombreuses pièces de Henry Bernstein, elle décide, fatiguée du théâtre et poussée par son nouveau mari à devenir écrivain. 

 

En 1930, elle publie son premier roman Le désordre qui sera salué par la critique et qui deviendra son point de départ.

 

 En 1960, Simone reçoit le Grand prix de littérature de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre.

 

Publications :

  •  
    • Le Désordre, Paris, Plon, 1930.
    • Jours de colère, Paris, Plon, 1935.
    • Le paradis terrestre, Paris, Gallimard, 1935.
    • Québéfi, Genève, éd. du Milieu du monde, 1943.
    • Le Bal des ardents, Paris, Plon, 1951.
    • L'Autre roman, Paris, Plon, 1954.
    • Sous de nouveaux soleils, Paris, Gallimard, 1957.
    • Ce qui restait à dire, Paris, Gallimard, 1967.
    • Mon nouveau testament, Paris, Gallimard, 1970.
    • Correspondance 1912-1914, avec Alain-Fournier, édité par Claude Sicard, Paris, Fayard, 1992. 

 

Elle est morte à 108 ans à Montgeron le 17 octobre 1985. Elle fut Commandeur de l'ordre national du Mérite, des Arts et des Lettres et Commandeur de la Légion d'honneur.

 

 

ARCHIVES DE PHONOFOLIES :

Ecoutez Charles LE BARGY sur disque ZONOPHONE !!!!
L'AGONIE - poème de Sully Prud'homme.
FILE_001.MP3.mp3
Fichier Audio MP3 2.2 MB

 

 

Sources :

- Wikipédia (site internet), bien que cette page est pauvre en information elle m'a permit d'orienter mes recherches.

- Nos Artistes (annuaire du Théâtre) de Jules Martin (1901-1902)

- Revues "L'Art du Théâtre" de 1901 à 1902.

- L'illustration théâtrale, tome 1907 et 1908.

- Revues "Le Théâtre" de 1898 à 1913.

- Dictionnaire des Films par Georges Sadoul (Edition Microcosme - Seuil, 1981).

- Les Grands Dossiers de l'Illustration - Le cinéma (1843 - 1944) (publié en 1987).

- Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, dirigé par Michel Corvin (Bordas, 1991) (texte de P. Bornecque).